Artcité

PRISE DE CORPS

il y aurait des corps sans forme encore qui prendraient là sur le papier – comme on dit pris dans la glace – pris de vertige aussi, il s’agirait de les saisir vite dans ce qu’ils ont d’informe encore, leur donner forme le temps du geste sur la feuille, donner forme à l’informe ou au difforme en eux, dans leur imperfection, leur manque de détail, leur manque de visage, pas le temps de s’attarder sur eux, juste les saisir dans leur passage, parfois les accompagner dans l’autre monde, celui du rêve ou de l’oubli, avant qu’ils soient déjà passés et qu’ils retournent dans les nimbes de la mémoire, pas le temps de prendre des outils, pas envie non plus, retrouver la chair par la chair, l’os par l’os dans un désir sauvage de donner trace, à la main dans le plus primitif dénuement, à cette sorte de vision de corps, puisque tout se perd, tout glisse à la nuit, choisir cela qui glisse et qui se perd, ce qui ne peut qu’avec peine se fixer là sur un papier presque sans grain d’accroche, l’eau et le gras malaxé dans la main luttant dans un impossible mélange

Maud Thiria Vinçon

 

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©Artcité, avec Richard Laillier, septembre 2017